mercredi 8 janvier 2014

Marketing enfant et marques de mode



    
Sur une cible aussi complexe à analyser que les enfants et une communication restreinte à leur sujet, l'enfant est encore mal connu du marketing.
Pourtant les marques n'hésitent pas à se lancer dans la création de marques enfantines. Savent-elles vraiment à qui elles s'adressent ? Le nombre d'ouvrages et d'études sur le sujet est si faible, que l'on s'interroge sur la fiabilité de ces lancements de marques et donc de leur durabilité.

Interviewées par Marketing Magazine paru en Mars 2012, Coralie Damay et Sylvie Gassmann coauteurs du livre "Quand l'enfant prend ses marques... Il bouscule les conventions", donnent leur point de vue quant au marketing pour enfants en matière de marques de mode. D'après elles, le marketing pour enfants a besoin d'être "dépoussiéré"1. C'est un marketing qui n'a pas suivi l'évolution qu'ont pu connaître les autres formes du marketing. Figé dans une époque, il n'est plus adapté à la nôtre et ne permet pas de s'adresser correctement à la cible. Une cible qui a justement besoin d'être redéfinie, car considérée comme une seule cible alors que pour les auteurs, la cible enfantine a aussi besoin d'être segmenté précisément, comme celle des adultes. On ne s'adresse pas de la même façon à un enfant de 6 ans , qu'à une fillette de 11 ans.
    D'après Valérie-Inès de la Ville, il faut "affirmer la segmentation des produits par tranches d'âges pour adapter les produits au développement psychomoteur des enfants"2. Pour cela, il faudrait d'abord apprendre à connaître le comportement des enfants à travers l'analyse de leurs comportements directement auprès d'eux et par l'avis de professionnels.

Dans cette consommation enfantine, les parents sont une autre cible qui doit elle aussi être reconsidérée. Elle reste encore bien trop perçue comme une cible unique alors que les profils de ces consommateurs sont eux aussi multiples. Toute la problématique est de plaire à la fois aux petits et aux grands. Un exercice  difficile puisque se sont là encore deux cibles différentes. D'après certains spécialistes tels que Damay et Gassmann, l'enfant n'a pas changé en réalité, c'est la mode qui l'entoure qui a évolué. Lassé, il s'éparpille et se déconcentre facilement. Cette hyperstimulation en fait une cible difficile à conquérir et à fidéliser. L'auteur Joel Bakan dans son livre "Nos enfants ne sont pas à vendre"3 s'inquiète de cette mutation qu'il juge malsaine. La base du marketing étant de coller aux tendances actuelles, de connaître les populations pour créer leurs besoins à venir. Or, si le marketing est dépassé par les années, il est difficile d'envisager de répondre à des besoins mal définis. Même si les enfants ont changés au fur et à mesure des années, ils gardent cette part d'insouciance qui s'affirmera avec l'âge. Avec les années le caractère de l'enfant se cherche et change. Le jeu, les activités, l'entourage, l'accès aux technologies nourrissent sa connaissance. Rapidement ses centres d'intérêts se développent, ils peuvent être regroupés selon quelques grandes familles : l'amour d'une famille et d'amis, le sport et la musique.
    Pour satisfaire la cible des jeunes consommateurs et de leurs parents il faut miser sur le plaisir et l'expérience. Proposer des points de ventes adaptés et aménagés pour les enfants, disposer de produits à la hauteur de leurs yeux, et donc à leur portée. Mais aussi aménager des espaces de loisirs et récréatifs, et recréer un univers qui correspond au monde de l'enfant. Autant d'éléments nécessaires à la création d'une ambiance de confiance pour les parents qui peuvent prendre le temps d'acheter et de profiter du moment avec leur enfant. Pour cela on peut user de campagnes publicitaires respectant les valeurs morales et respectueuses du développement de l'enfant, sans toute fois user de promesses commerciales mensongères et respecter les normes de sécurités des produits.
    L'auteur Valérie-Inès de la Ville défend les idées reçues qu'ont les entreprises au sujet des enfants, voici quelques citations qui retiennent particulièrement notre attention : "c'est aux parents et non aux entreprises de protéger les enfants du marché", ou encore "notre marketing est légal, c'est à dire en accord avec tel ou tel réglementaire"4. Les raisonnements des entreprises semblent alors parfaitement obsolètes et les parents jouent alors un rôle capital dans l'éducation des enfants. Pourtant ces derniers ont leur mot à dire car ils prennent ainsi part à la vie familiale mais leurs comportements seraient altérés par le pouvoir et l'influence des industriels.

Nous conclurons cette partie par cette citation de l'homme politique sud-africain, Nelson Mandela :
"Rien n'est plus révélateur de l'âme d'une société que la manière dont elle traite ses enfants"5.

1 : Coralie Damay et Sylvie Gassmann propos recueillis par Marie-Juliette Levin, Le Marketing Enfant doit être revisité, Le Marketing Magazine, Mai 2011
2 : Valérie-Inès de la Ville, L'enfant consommateur, Variations interdisciplinaires sur l'enfant et le marché, Vuibert, 2005
3 : Joel Bakan, Nos enfants ne sont pas à vendre, Comment les protéger du Marketing, Les Arènes,2011
4 : Valérie-Inès de la Ville, L'enfant consommateur, Variations interdisciplinaires sur l'enfant et le marché, Vuibert, 2005